CORSE ULM

Dumè, Yvon et "un peu" Alain
Où comment anticiper la révision de son Rotax..., par Dumè


Parfois, les vols se suivent et ne se ressemblent pas

Ma nav la plus courte

On s’était promis avec Yvon d’effectuer quelques navs alors que l’été indien se prolongeait : la MTO du mois d’août avait été peu clémente et l’envie de voler nous tenaillait. Pourquoi pas la Sardaigne ? Yvon me propose de rejoindre Platamona en traversée maritime, via Asinara. Vendu !!! Un coup de fil à Alain, qui est partant lui aussi, et nous rejoindra à Tavaria depuis Ghisunaccia.


Yvon à la prévol


Donc, ce 23 septembre,  nous nous retrouvons tous les 3 à l’aérobulle historique de Prupià, celle où l’aventure de Corse ULM a commencé. Les préparatifs sont poussés : GPS programmés, cap tracés sur les cartes, balise de détresse, gilets, combis de ski, cagoules, réservoirs complets plus une réserve sur le siège arrière, plan de vol déposé et activé, MTO ok… bref, nous nous apprêtons à décoller, excités comme des puces et harnachés tels des chevaliers médiévaux. Faudrait veiller à pas trop tarder d’ailleurs, car on commence à suer ferme sous les combis…


Le clipper "côte est" qui attend le décollage


Ah ! Un petit contretemps : nous sommes contrôlés par les gendarmes de l’air. Professionnels et sympathiques, ils passent en revue les papiers des machines et des pilotes ; ces derniers sont d’ailleurs carmins, car, comme je vous le disais, il fait chaud en ce mois de septembre…  

Tout est ok, nous grimpons sur nos machines et roulons pour la 28, derrière Yvon, notre leader. Je ne peux m’empêcher, en passant devant les gendarmes qui assistent à notre décollage, de lever le pouce en guise de salut.


Je décolle donc en numéro 3. Le Clipper grimpe vaillamment malgré la charge qu’il transporte, et la patrouille commence à se regrouper. La météo est superbe, l’aérologie idem, en route pour la Sardaigne !


Je surveille mon vario et le leader, quand, à peine dépassé le seuil de piste, je vois une forme glisser le long du flanc droit de mon appareil ; presque simultanément, Delta Tango encaisse un bon choc.

«M..de, c’est quoi ça ? ». L’appareil continue à voler normalement : que faire ? Après deux secondes de tergiversations intérieures, je prends la décision d’interrompre le vol et de revenir en 28.

J’informe mes complices par radio, et 180° vers la piste. Delta Tango vole bien, régime et température moteur sont ok. Bon, on verra ça au sol.

Je débute ma vent arrière à 500 pieds lorsque je ressens un 2ème choc conséquent dans la machine : je vois bien, du coin de l’œil, un objet se détacher de l’appareil. Ooops, je comprends immédiatement que je viens de perdre une pale d’hélice !!! L’appareil se met à vibrer de partout !!! Il me faut deux secondes pour couper le contact moteur ; Delta Tango arrête de vibrer et vole tout à fait normalement : j’arrête de lorgner sur la poignée du parachute.

Tout à l’air ok et je suis dans une configuration connue, répétée à l’entrainement et en solitaire lors de mes tours de piste. J’avertis les copains de ma panne moteur, et je négocie une approche en U et un kiss landing. En posant les pieds sur la 28, je compte les pales de mon hélice : « une, deux, trois… et c’est tout ??? » « M’en manque une ! »

 

Il n’y a plus qu’à pousser l’appareil jusqu’à la bulle, et je remonte la 28, à pieds cette fois-ci. Les gendarmes de l’air, qui ont tout vu, sympathiques et professionnels, placent leur véhicule gyrophare allumé derrière mon appareil,  pendant que je me remets à suer.

Bilan et explication :
45 secondes de navigation et collision aviaire. Le malheureux volatile a embouti le silencieux d’admission (1er choc). Celui-ci a dû pendouiller dans le vent relatif, avant de décider de faire sa vie, en sectionnant au passage une pa
le d’hélice (2ème choc). Vous connaissez la suite.

Quelques photos pour les souvenirs et les gendarmes, qui, sympathiques et professionnels, rédigent une déclaration d’accident. Ils m’avoueront s’être fait un peu de souci lorsqu’ils ont vu « deux objets se détacher de l’appareil ».


Au revoir la Sardaigne, on se retrouve tous les trois dans un resto de Prupià. J’ai un peu honte d’avoir gâché la nav, mais Yvon et Alain se refusent à poursuivre sans moi : merci pour leur solidarité.


Le soir même, je rédige un SMS à Vincent : « merci de m’avoir enseigné la gestion de la panne dans le circuit de piste… ». Je remercie aussi mon pendulaire : sa simplicité de pilotage a fait que ma charge de travail lors de cet incident a été plus que réduite ; on s’occupe de la barre, et c’est tout !


Ma nav la plus longue

On s’était promis avec Yvon d’effectuer quelques navs alors que l’été indien se prolongeait : la MTO du mois d’août avait été peu clémente et blablabla, patati patata… Pourquoi pas Ghisunaccia ? « Oui, mais on fait un détour par les lacs et Corti ». Vendu !!! Mais cette fois-ci, je serai passager, mon hélice n’étant toujours pas revenue de chez Arplast (voir plus haut).


Donc, dimanche 28 octobre, nous faisons la route, Yvon et moi, vers Prupià. La machine est rapidement mise en œuvre. Le programme est le suivant : contournement de la CTR ajaccienne et cap sur les lacs de montagne. Ensuite, direction Ghisunaccia via Corti. Nous allons voler haut et il fait froid : nous nous équipons en conséquence. La brise de terre souffle et nous décollons en 10. Une remarque au passage : l’appareil d’Yvon est hyper silencieux. La tripale émet un son grave et agréable, le bruit de mon Clipper (tripale lui aussi, mais par la force des choses) me rappelant plutôt le moulin à café électrique de ma grand-mère.  Le vol promet d’être agréable.



Départ de Prupià



Ulmetu

Nous passons a bocca di Cilaccia en laissant Ulmetu sur notre gauche. Ca souffle un peu, mais rien de bien méchant. Nous débouchons sur la vallée du Taravu, berceau de mes ancêtres et chère à mon cœur.


Petreto-Bicchisano


Sainte Marie Sicchè

Puis, nous passons vertical du pont d’Abra : Petretu sur notre droite et Pila-Canale dans nos 12 heures. Le spectacle est grandiose.

Nous franchissons ensuite a bocca di SanGiorghju pour entrer dans la vallée du Prunelli.

Sur notre Droite, le col d’Arusula et le plateau d’Ese, déjà enneigé, et à gauche, au loin, la ville d’Aiacciu.


Arusula


Ajaccio

On poursuit tout droit, travers vallée de la Gravona, un peu au Sud de Bocognanu : le chaînon central de la Corse est devant nous ; le Monte d’Oru et le Ritondu nous semblent tout proches.

En franchissant la ligne de crêtes qui sépare la vallée de la Gravona du Cruzzini, nous découvrons Guagnu, Vicu, et nous apercevons le lac de Crenu, dans son écrin de verdure. Loin devant, le Niolu et la Paglia Orba, majestueuse, flanquée du Tafunatu : le cœur de la Corse.


Lac de Tolla


Monte d’Oru

Nous décidons de franchir un petit col au Nord de notre route, en corrigeant 30° de dérive : il y a du vent d’Ouest. Cet obstacle franchi, nous découvrons les lacs de Melu et Capitellu, enchâssés dans leurs cirques rocheux respectifs : quelles merveilles ! Sous notre aile, se déroule, jusqu’à Corti,  la vallée de la Restonica.

Je dois vous dire que, lorsque j’étais plus jeune et malgré mon addiction au tabac, j’ai parcouru parfois ces chemins de montagne. Les sommets et les lacs se payaient alors par des efforts physiques conséquents ; aussi, cette randonnée aérienne est pour moi une sorte de pèlerinage.

J’expliquais à Yvon combien il me semblait désormais facile de survoler ces lieux jadis parcourus à pieds, tout en le gavant avec mes histoires de sborgne muntagnole (« cuites de montagne», en langue corse), lorsque nous nous ramassons une gifle magistrale, monstrueuse ; l’appareil effectue une suite de mouvements désordonnés en tangage et en lacet : il monte, descends, vire à droite, puis à gauche.


Juste avant les turbulences

Yvon se défend contre la turbulence comme un beau diable, et s’arrache les biceps à contenir les mouvements de la barre : on est dans le vortex qui s’est formé derrière la ligne de crête. L’appareil, plaqué par les rabattants, ne monte plus : gaz à fond, l’alti reste scotché sur 8000 pieds.

Les choses se calment soudainement. Que fait-on ? Doit-on filer plein Nord vers le Niolu pour sortir de cette vallée encastrée ou doit-on la suivre jusqu’à Corti ? Blaam !!! 2ème série de turbulences !!! On part dans tous les sens à l’endroit le plus étroit de la vallée, maintenant encerclés par des pics qui me semblent moins poétiques et plus menaçants qu’il y a une minute.

On discute avec Yvon et nous décidons de tenter notre chance dans la vallée, qui s’évase vers l’Ouest. Nous n’avons de toute façon pas le choix et nous savons que nous avons devant nous quelques minutes difficiles à vivre. Nous encaissons comme ça 4 ou 5 tabasses très viriles, mais Yvon garde le contrôle et maintient son pendulaire dans son enveloppe de vol.

L’appareil reprend lentement de l’altitude : 8200, 8500 pieds. Ouf, un peu avant Corti, nous sortons de cette infernale machine à laver. Nous qui voulions poser dans l’ancienne capitale de la Corse, d’un commun accord tacite, nous décidons de rester à 8000 pieds jusqu’à la plaine orientale et de fuir la proximité du relief comme la peste : chat échaudé craint l’eau froide !!!

Après une longue descente, nous atterrissons à Ghiso, où Alain nous accueille, juché sur une échelle et un pinceau à la main : ce garçon ne s’arrête jamais (c’est aussi ce que m’ont confirmé ses innombrables copines).


A Ghiso


Quelle petite coquine !

Bilan : en survolant nonchalamment les lacs, nous avons manqué d’humilité et la montagne s’est rappelée à nous. Nous aurions dû prendre une marge d’au moins 1000 pieds supplémentaires pour franchir ce col. La leçon a été comprise et retenue !!!

Resto à midi, ravitaillement à la pompe : il est temps de saluer Alain et de repartir vers Prupià, mais en côtier cette fois-ci ! Le vol est sans histoire, mais long : vent de face (du Sud) de Ghiso à Porti-Vecchju, et vent de face (de Nord-Ouest) de Figari à Tavaria, allez comprendre.On a dû se traîner à 50 ou 60 km/h.


Bientôt à Prupià

Nous atterrissons alors que le soleil se couche sur le Valinco. Splendide journée, riche en émotions de toutes sortes : des heures d’émerveillement et quelques minutes de peur !


Arrivée à Prupià

Le retour sur Aiacciu en Fiat Panda est, lui, tout à fait conventionnel. Merci à Alain pour son accueil et sa disponibilité et à Yvon pour avoir accepté de me trimbaler au-dessus d’une bonne moitié de la Corse.

 

 


Rédaction : Dumè ; Photos : Dumè, Yvon, Alain

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